Du monde de la construction à celui des livres, on peut affirmer que les chemins de la vocation demeurent souvent imprévisibles.

On a beau tracer des plans de carrière, on n’est jamais à l’abri d’une nouvelle trajectoire. C’est ce qui est arrivé à Zaki Bouzid. Après de brillantes études secondaires et universitaires en France, un diplôme d’économiste délivré par l’Université de Bordeaux, et le désir de vivre et travailler au pays, c’est dans le domaine de la construction qu’il avait décidé d’engager ses compétences, dirigeant un bureau d’études et de suivi de chantiers, manageant des équipes pluridisciplinaires d’architectes, d’ingénieurs, de techniciens et d’artisans.

« A cette époque, raconte-t-il, j’étais persuadé que je continuerai sur la même voie, jusqu’à la retraite. Je dois avouer que c’est un métier prenant. Voir sortir du néant des bâtisses que l’on a projetées sur papier, est une aventure professionnelle motivante. Il n’y a pas, cela dit, de sot métier, mais je trouvais à celui-là, bien plus d’attraits que les autres ». C’était sans compter sur les appels profonds de la passion, celle de vouloir s’investir dans une oeuvre que l’on maîtrise de bout en bout et répondre aussi à un penchant ancien pour les belles choses de l’histoire et de l’art .

« J’ai toujours été attiré, poursuit Zaki Bouzid, par les beaux livres, les toiles de peinture, les meubles anciens, les collections de musées.

Cela remonte déjà à mon adolescence, quand je feuilletais avec curiosité et admiration les encyclopédies.

Plus tard, quand mes rentrées financières me le permettaient, je faisais quelques folies, plutôt dans un esprit de collectionneur amateur.

Mais j’avais toujours considéré cette partie de moi-même comme un hobby et, à la limite, un moyen de détente par rapport au monde de la construction.

Il m’a fallu du temps pour me rendre compte que cela pouvait devenir mon activité professionnelle. Du temps et des hésitations, car on ne fait pas table rase d’une carrière en un clin d’oeil. »

Les histoires de « deuxièmes vies » qui font le bonheur des animateurs de télévision ne relèvent pas toutes de coups de tête. Dans le cas de Zaki Bouzid, le processus fut marqué par une maturation progressive de son idée, des recherches et des tâtonnements. « Quand j’ai décidé de me vouer à l’édition, confi e-t-il, je savais que cela correspondait entièrement à mes attentes. Mais j’ignorais tout des arcanes de ce métier et, de plus, je lui accordais tant de respect que cela a failli paralyser mon enthousiasme. Mais je me suis souvenu que dans mon premier métier, si je disposais des compétences de gestion, j’avais dû apprendre tous les aspects de la construction, ne serait-ce que pour communiquer avec les différents corps de métiers. Et je me suis donc mis en tête d’apprendre le métier d’éditeur ». Et voilà notre homme qui se met à parcourir de nombreux ouvrages sur l’activité, à prendre des notes, à visiter des imprimeries en Algérie et en Europe, à étudier les livres de sa propre bibliothèque sous l’angle de leur organisation interne, de leur présentation, de leur fabrication, etc.

Un apprentissage dont il reconnaît le caractère difficile mais qui, selon lui, est à la portée de chaque individu, pour peu qu’il dispose de quelques dispositions et surtout d’une volonté affirmée dans le domaine envisagé Profitant de chaque moment de repos, exploitant ses vacances, il a, pendant de longs mois, continué à assurer ses anciennes responsabilités, tout en créant sa maison d’édition. Il garde un souvenir ému de cette période, le début d’une aventure, avec toutes les joies du pionnier mais aussi ses déconvenues et ses erreurs. Les difficultés furent nombreuses, d’autant qu’il avait choisi de se spécialiser dans un domaine précis, se privant de la possibilité de disposer d’un catalogue plus divers et à priori moins risqué. Ce choix, les éditions Zaki Bouzid, l’ont assumé jusqu’à ce  jour, sans jamais s’en départir, le cap fermement maintenu sur le patrimoine matériel et immatériel  e l’Algérie. De là, a découlé l’option pour le beau livre de haute qualité graphique. « Ce n’est pas  n hasard si le beau livre est généralement consacré au patrimoine et à l’art, explique Zaki Bouzid.  es domaines relèvent naturellement de l’édition de prestige. De plus, en faisant de beaux livres, on  ait aussi des livres durables qui doivent témoigner pendant longtemps, des siècles même, de ce  patrimoine et de ces arts. L’édition contribue ainsi à la promotion et à la sauvegarde d’un héritage en lui constituant une mémoire physique. Les beaux livres sont des témoins et, pour cela, ils doivent vivre longtemps ». Les résultats de cette démarche ne se sont pas fait attendre. Les  ouvrages édités ont connu un excellent accueil en librairie et lors des salons nationaux ou  internationaux.

Remarqués pour leur facture graphique (papiers de premier choix, impression et  reliure de haute qualité, maquettes aérées et soignées), ce sont surtout leurs sujets qui attirent ainsi que leur richesse rédactionnelle et iconographique. L’éditeur participe activement à l’ensemble  es  hases de ce processus : « J’ai pris l’habitude de travailler en équipe pluridisciplinaire. Pour tout projet, je consulte des érudits, des universitaires, des libraires, des éditorialistes, des directeurs de  usées… Je tiens à disposer de l’éclairage le plus complet avant de me lancer. Je lis tout ce qui a  té  oublié d’important sur le sujet. Puis, je me mets à la recherche des spécialistes algériens les meilleurs sur le sujet et je les sollicite pour le projet. Il n’est pas rare, qu’avec leur participation, le projet connaisse des modifications. Je ne suis pas spécialiste, j’agis comme un chef d’orchestre qui ne sait généralement pas jouer de tous les instruments. Dans tous les cas, j’aborde avec humilité les thèmes choisis, n’hésitant pas à poser les questions que tout lecteur ne manquera pas de poser en découvrant le livre. Je prends soin de maintenir un équilibre entre le niveau scientifique élevé des auteurs et les besoins des lecteurs en veillant au mieux à une vulgarisation de qualité.

Je choisis aussi les illustrateurs, photographes ou graphistes qui participent à l’iconographie, de même que je mobilise des personnes qualifiées pour la recherche d’archives ».

Tous les titres du jeune mais déjà riche catalogue des éditions Zaki Bouzid ont vu le jour de cette façon. Ils constituent aujourd’hui, dans leur ensemble, un témoignage précieux de la richesse et de la diversité du patrimoine de l’Algérie et du talent de ses artistes émérites .